consciencieux / méthodique / incertain / compétiteur / dramatique / contemplatif / dépressif / romantique
À l’instar de toute chose, concorde voulue que l’amour fût un bien marchandable : et cette vérité avait à jamais été martelée dans son esprit du fer chaud de la connaissance inébranlable. Très tôt, Ieyasu avait acquis le goût de l’acharnement, façonné par une espérance avide dont les crocs avaient harponné toute quiétude, ne laissant qu’une charogne fourbue dénuée de quelconque accomplissement.
Au diapason de ces normes intrinsèques naquit l’écœurante aptitude à la facilité, le corps vouté sous le joug de la fatalité, l’esprit dévot que tant d’apprentissage avait gangréné.
Si Ieyasu avait autrefois un faciès taillé à l’image d’allégories éternelles, fier et intouchable que tant d’éducation avait façonné dans ses traits, désormais il se paraît de sourires mutins qui semblaient peints aux coins de lèvres sensuelles.
Oriflamme d’une persévérance pugnace, Ieyasu s’élançait à bras-le-corps au travers du prodigieux dont se targuait, épatant et divin, le monde magique. Cultivant d’un cruel effort son aisance à la sorcellerie, il dupait par sa facilité manifeste, taisant les longues nuits qui abritaient l’essentiel de son tourment.
Car au creux de ses espérances se tassait le doute incisif de son appartenance : l’incertitude tiraillait le moindre de ses actes, et ses paroles mesurées d’une prévenance consciencieuse. Jamais encore il n’avait ressenti si intensément la honte que celle qui abritait le dédain des sangs purs.
Après le tonnerre –
Les nuages de la nuitOnt le teint frais.
Hara Sekitei
Alors même que ses premiers cris avaient été arrachés aux profondeurs cinabre d’une gorge nouvelle, Ieyasu s’était vu voué à une existence de faste et d’excellence, sacrificule drapé de soie consacré sur l’autel d’un héritage idéaliste haussé d’éminence.
À la glorieuse annonce du genre de sa progéniture avait grandi dans l’imaginaire restreint de
Monsieur Masamune l’idée rétrograde et ancestrale de la succession de sa réussite : au rythme du ventre de sa femme enorgueilli, consciencieux déjà il scellait d’espérances quelques avenirs par maints rites.
Bercé d’autant de psaumes accablants que d’oratorios coruscants, Ieyasu fut abreuvé de responsabilités – le gosier béat secoué de soubresauts si tant pavloviens que spasmodiques –, dans un lent apprentissage de pléthores traditionalistes aux penchants ecclésiastiques.
Ses premières années d’existence, il les passa dans la tempérance assidue propre à sa condition, et à huit, le voilà qui s’abreuvait insatiable des préceptes abscons de géniteurs gorgés de leurs propres fabulations : enfant nourri par la main pécheresse d’idéaux que trop vagues pour rassasier l’ardent désir qui le tailladait.
À dix, Ieyasu se targuait de l’indolence servile de ceux dont l’avenir était gravé dans un marbre immuable.
À onze, sur ses lèvres s’estampillait pour la première fois l’émerveillement, dans sa forme la plus pure et destructive : le commun s’était vêtu de couleurs fades et d’ambitions acratopèges. Sous couvert de la lente appréhension de son père, la pénitence de son éducation goûtait sur sa langue l’âpre arôme de l’insipide. Depuis ce jour, le monstrueux édifice dépeignant son avenir se sentait vide.
À treize, il prenait pleinement conscience de la dualité intrinsèque du genre humain : tantôt incompris pour l’exotisme dérangeant de sa condition ; tantôt répudié pour l’impureté de son sang, dictat au bon vouloir d’élite chauvine qui en commandait le futur de ses lendemains.
Lui qui avait été élevé à la force revêche d’ambitions supérieures se retrouvait au bas d’une hiérarchie dont jamais il n’aurait imaginé en côtoyer l’existence.
Rien ne dit –
Dans le chant de la cigaleQu’elle est près de sa fin.
HMatsuo Bashõ
Héritier unique d’une riche famille moldue, Ieyasu n’a connu jusqu’à ses onze ans que le chatoyant faste d’une élite nouvellement aristocratique. Consciencieux face au fantasme d’acceptation de son père, il n’a de cesse d’assouvir son idéalisme d’héritier modèle -de progéniture à défaut de fils.
Pourtant à l’assaut du merveilleux dont se targue le monde magique, Ieyasu se voit douter de sa condition et plus encore de sa place au sein du monde.
Tiraillé par l’idée du devoir qu’il doit à sa famille et gangrené par l’attrait de la magie, il s’efforce de faire fi de la honte induite par son statut de né-moldu qui n’a de cesse de cisailler l’apparat de la sorcellerie.